vain voile d'amnésie sur mes lettres chabine ma parole aube en ses artères fêlées se tait j'aurai lors las chaussé mes mots de faïence à chacune des bouées de tes pores l'or las les cils brûlés de lune je ramone encor tes berges porteur d'un ultime vent salin d'un alphabet de rut drapé sans vains mots cloutés j'apure mes petits naufrages à tisser l'alpage de ton corps noué dénoué flambé en ses hoquets somnambules un rauque râle s'agenouille ci-gît l'en-dit en toi sans toit toutes toitures de dentelles rouillées en berne de gestes bègues la brume à tes embouchures îliennes s'offre rieuse tes pas dans mes pas Chabine ô mes noctuelles en bandoulière j'accorde la nuitée de l'offrande une calligraphie d'absinthe tout enrouée se délite nomades rumeurs sur ton col blessé une procession d'aptères guette mes suppliques fragiles brûleries sur ta mantille bavarde délavée ci-gît l'en-toi à l'enclos des jours bègues de longue méditation d'un chant l'hibiscus l'hiver n'arbore plus l'Automne de l'âge demeure l'eau noire lumière bue à la suture de l'éclat chaque escale dérobée en haute rumeur des siècles décline ses suffixes de dentelle macula de lèpre déradée l'île première parmi ses crues de sang parmi ses ossements la mémoire pétrifiée aux déclinaisons de l'encan ébruite son coma futile orgeuil des Pères et babillarde liturgie des Fils aux mains botes tels spasmes ressacs de fers en cales parmi l'abîme la surdité des lèvres parmi tes plaies le muettement du labour nul écrin nuls pleurs parmi tes ruines aux marches testamentaires du Poème ne te seront dédiés Chabine ô aux murmures des labiales ta forge mate plainte des plantations dans l'archipel des langues la sourde clameur des langues tu lies au jour du jour nos précaires boutures toutes les géographies de l'oubli hissent à cargue à glaise d'ultimes ratures au cérémonial des gestes déchus l'île primipare mime trame ponce en sa laie forclose dicte sa légende
Ce poème de Robert Berrouët-Oriol, « Chabine Ô », a été publié pour la première fois dans la revue RALM en février 2006. Remanié, il paraît dans la revue Interculturel 11 (2007) et puis dans le recueil En haute rumeur des siècles, publié à Montréal chez Tryptique en 2010, pages 9-27. Dans une version de 2005, il est reproduit sur Île en île avec la permission de l’auteur.
© 2005 Robert Berrouët-Oriol
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