(extraits)
Infini ruisseau dans mes sueurs
Ne me demande pas ce que fait cette rue dans ma
chambre
J’écris tes yeux
* * *
Braver un soleil tortionnaire
dévaler des précipices féroces
dormir sous des ponts impassibles
congédier ma raison élastique
enfin
cet épanchement de nudité qui bruit dans les criques
Ah j’ai vu ses yeux où viennent s’y
reconsteller toutes les étoiles
son parfum rafraîchit les saisons indigentes de ma terre
esseulée
et son prénom tel un refrain aux pieds poudrés séduit ma
ville indolente
En ce temps où l’homme abroge l’humain
je répandrai son visage sur chaque rumeur
qui déambule dans ma cité
j’écrirai son nom sur chaque grain de poussière
sous chaque fenêtre sur chaque sentier
sous tous les bois sur chaque rivage
j’invoquerai son nom parmi mon peuple où chôme la
folie
Ô beauté qui démesure les passions faméliques
j’ai galéré dans toutes les langues
pour sculpter un ochant à la gloire de toi
rien
la langue pour te louer reste à inventer
* * *
Vivre de folie fanée
Aux inclinations douces
Un lent silence à l’assaut des vaccines dans les
sapins
Simidor ô
Quel est ce rythme
tel blues obscur qui ne brode plus de doigts sur la face
du tambour
pleure pas Simidor
te conterai un jour ma légende de lambi désuet
pleure pas Simidor
t’écrirai un cœur de mélodies d’eaux
droguées
comme au lever du souffle un kata ébloui
Ô Simidor
Il bruit
la lumière irradie l’anémie des fruits
le pays ne se souvient pas qu’il fut
la cité vestige patiemment
au délitement du fer
d’étincelants silences inhumés dans ce cri que
nous fûmes
Simidor ô
ne dis pas non mon visage de face éteinte
la mélopée sur mes lèvres peuplée a l’âge de tes
plaies
* * *
Il est une terre aux beautés éteintes
Là
Une éternelle homélie de pluie pour l’anuitement
des astres
Là
Tous les soleils pendus aux lampadaires
Tu te rappelles
ce visage vétuste un septembre furibond
Tu te rappelles
Tes pas en rafales sur le macadam
Je te regardais t’en aller
Ton cœur ma
jeunesse
Tes bras mon
courage
Ta voix mon
cri
Et tout un bondissement de furie en liesse
Je revois encore la cavalière des cannes à sucre paradant sur ton passage
Dans ce pays proféré
Un décembre quotidien commémore le carnage d’un
cœur conteur
* * *
Le cœur à fracas t’aimai-je
Mais tu t’en allais
Si dépaysée dans tes rêves
Mon cœur dans le sillon de tes pas
Tu t’en allais
Les étoiles une à une ensevelie sous mes draps
solitaires
Tu t’en allais
Mes bas orphelins de nos 12 jeunesses s’abreuvent
encore de fresques d’absence
Tu t’en allais
Tu t’en allais
Mon humeur calcinée dans mon cœur qui dérive
Et la vie en averse de folie
Tu t’en allais
Mais quel papillon noir estampille la vie d’un
édit de présages
* * *
Des pas en sérénade sur le sable déclament
la véhémence d’un parfum dans le commerce du sel
au bord de ma peau
et le prénom de vous auréole ma voix du plus beau
refrain
Fou d’être fou
Me voici dans cette clarière
où nous étions à contempler l’archipel des voiles
dans la baie
soudain
l’or du soleil en pâture sur la mer
Et
je rumine l’image de mes joies en ruine dans tes
bras
* * *
Lente fragrance en sieste dans la somptuosité du
corps
Elle est passée
Pois gratté masturbant mon émoi
Sa voix tanguait à l’éveil des fenêtres
chanterelles
Et le soleil tapissait le sentier de ses baisers
blessant
Elle est passée
La pluie ivre d’un enjoué fou pavoisait
Mon sang carillonnait
Et tous mes pores embaumés de songes féconds
Elle est passée
Sa beauté a bipé mon cœur
* * *
Une cascade tamtame des hommages
Boucan célèbre un corps diamanté d’infinies
gouttelettes joaillières
Tout le printemps du monde contredanse
sous la joliesse des feuillages
et les parois des falaises fastes d’aise
les berges en enfance dérivent sur
ces eaux abordant tes merveilles d’un autre
monde
voici qu’un kata de clapotis psalmodie
mes joies moites
mon sang froissé
mes gestes pubères
et mon silence vociférant
En cet après-midi de soleil nègre
mon cœur arrête de zapper
il y a échouage
deux cœurs s’archipellent dans un paradis
d’occasion
Ces sélections de poésie de Willems Édouard ont été publiées pour la première fois dans son recueil Plaies intérimaires aux éditions Mémoire d’encrier (Montréal, 2004), pages (en ordre de lecture) 62, 69, 52, 51, 21, 20, 14 et 13.
© 2004 Willems Édouard © 2016 Willems Édouard et Île en
île pour l’enregistrement audio (5:04 minutes).
Enregistré à Port-au-Prince le 27 juin 2006. Mise en
ligne sur YouTube le 8 juillet 2016.
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