Les enfants ont sauvé le monde
Les enfants ont sauvé le monde
Et le monde ne le sait pas
Mais les fées nous sont revenues
Pour respirer les parfums innocents.
Oubli de soi-même, oubli
Dans les carillons limpides
Du matin tourbillonnant.
Evohé ! Le monde est fluide
Et tout ce qui pèse ment.
Redeviens un petit enfant
Si tu veux voir les choses vierges
Danser parmi la lumière
Du soleil et de la lune.
L’essentiel est d’aimer
Dans la douleur ou la joie.
Mais la douleur est meilleure
Pour rythmer les élans cosmiques
Du monde solaire et mystique
Où les larmes sont plus belles
Que les fraîches rosées.
Chanson XVI, Vingt-quatre chansons.
Florilège.
1937
La montagne fée
Debout entre les Plaines-Wilhems et la Rivière-Noire, dominant de loin la mer, et dressée vers le ciel, couleur de clématite, la voici, ce matin, bleuâtre et verte, modelée comme un visage humain, estompée de nuages vermeils.
Les jeux nuancés de la nue se reflètent amoureusement sur sa robe toujours changeante et belle toujours. Elle est une montagne fée, jaillie tout droit de la plaine, noble de profil, aux incurvations harmonieuses.
À son versant septentrional une silhouette d’homme est étendue, qui ressemble à un roi gisant mort sur un lit de parade. Mais la montagne est frappée du sceau d’une royauté plus haute. Élan de la terre vers les dieux, elle prie d’une oraison dont les heures déterminent la liturgie et le chant. C’est vers elle que mon humanité, oppressée par le prosaïsme des nains qui rampent à ses assisses, c’est vers elle que mon humanité – anxieuse, comme la grenade mûre, d’éclater – élève le cri muet qui délivre l’âme, l’exorcise, la sauve.
Mont d’exaltation et de sérénité alternées ; front de pierre où défilent, avec l’ombre des nuages, tant de pensées éternelles ; autel de géants pour l’offrande aux maitres invisibles de l’azur ; mystérieuse aïeule agenouillée devant le mystère ; vestale, druidesse, vierge solaire tendue vers le soleil… J’essaie avec ferveur de percevoir son rythme, sa musique secrète, son message.
Elle a l’air d’être immobile, et dormante, et morte. Pourtant elle vit de toutes ses clartés, de toutes ses pénombres. D’ici je crois entendre son appel. Ô Déité protectrice de ma terre et de ma race, Inspiratrice qui sais dompter la douleur et discipliner la Joie, je t’aime comme un enseignement de la Nature, comme un signe du divin.
Pérennité
D’autres vous lègueront, ô frères, leurs
enfants Si l’œuvre doit durer, qu’importe que l’on meure ? L’ombre étoilée, 1924 |
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