(sélections)
Toi qui dors
Aujourd'hui, à la Une des journaux, quel sourire étranglé ? quels pleurs ? quel sang à peine séché ? et de quelle couleur ? Blanc ? Black ? Beur ? Et toi, qui dors, si lourd dans le tohu-bohu des morts, de quels cris, de quelles fureurs seras-tu traversé aujourd'hui ?
Paris, mars 1994
Colibri
Tu me disais
oiseau de feu colibri et toucan fleur luxuriant ibiscus et datura sauvage rouge balisier fruit offert pomme-grenade et mangue douce tendre corosol. Je suis femme, immobile, silencieuse comme l'épave, grise,
en hiver.
Paris, mars 1994
Dieu y pourvoira
Femme-mère
femme-poisson
femme-rivière
qui tournes en rond
dans tes bras tu charries
des enfants batailleurs
qui roulent sur l’horizon :
un camp de toile vague
où les nuages découpent les silhouettes étranges
de géants, de mages inconnus ;
certains bombent le torse se lissent la moustache
d’autres baîllent et s’étirent
dans de grands boubous blancs,
d’autres encore, grimpés sur
l’arc-en-ciel
te font de l’oeil :
« Pour les enfants, ne t’inquiète pas,
Dieu y pourvoira ! »
Et c’est aussi l’avis de Monsieur le
Préfet ;
qui connaît la chanson :
femme-mère
femme-poisson
femme-rivière
qui tournes en rond
« Expulsez-moi tout ça ! »
Monsieur le Préfet a parlé clair et net,
sa signature est fraîche sur l’arrêté
fraîche
comme la blessure ouverte.
Ces trois poèmes de Simone Sow – « Toi qui dors »,
« Colibri » et « Dieu y pourvoira » – ont été publiés
pour la première fois dans la revue
Tempête de plumes 7 (mars 1995), pages 26 et
27. Ils sont extraits du recueil
Le cru des jours, recueil de poésie inédit.
Ils sont reproduits sur Île en île avec la permission de
l’auteure.
Enregistrement le 17 novembre 2005, à Paris, chez et par
Mathieu Rosaz
© 1995 Simone Sow © 2006 Simone Sow pour l’enregistrement audio (2:10 minutes)
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