(sélections)
Femme
Femme je chante ton amour tes maternités ton corps tôt devenu jachère tes rêves profanés femme noire vibrante de musique mémoire des jours blessée femme-don et silence je te chante ma mère les ridules sombres de tes paupières sur tes pupilles devenues bleues dans l'urne de la nuit modulent l'énigme grave de la vie belle et lancinante.
Paris, avril 1994
Un ange
Un ange glisse parfois dans les ténèbres laissant dans son sillage comme un souffle ténu une haleine et ta main sur le drap froisse le mirage de son aile Une lune frauduleuse hisse au carreau sa traîne de plumes vives et tes yeux au prodige demeurent grands ouverts Le jour tâtonne à la fenêtre
Ton nom
J'écris ton nom chaque jour en gras en italique en long large et travers j'écris ton nom au verre du sablier
ton nom un hymne de lumière sur ma peau d'ombre tremblé comme chimère entre baume et blessure
ton nom mon spiritual mon blues dièse et bémol zébrure entre Soleil et Lune de plein été
J'écris ton nom sans césure
Amour
sur l'horizon.
Entre lune et soleil
Et votre chair neigeuse
imprégnée de réglisse
rêve de plénitude
enfants d’incertitudes
déchirés
entre rires et fureurs
Et dans votre regard
de sable et d’océan
s’enroulent vos musiques
enfants énigmatiques
ballottés
entre pluies et nuages
Vous allez
contre vents et marées
ouvrant à l’unisson
vos pagnes fraternels
tendus comme des ailes
d’espoir
Et ma plume d’ivoire
à l’écorce d’ébène
amarre vos amours,
enfants du contre-jour
qui tanguez
entre lune et soleil
Apocalypse
Quand tu me prends par la main
mon cœur
dérape,
s’éboulent mille volcans
entre mes reins
mille glaciers s’embrasent
et le Nil impromptu se jette
dans la Mer Rouge
et les ibis courent véloces
vers l’Atlantique
et le tam-tam ébranle
les orgues de Notre-Dame
et je ne crois plus
à Lucifer
ni à Yahvé
ni à la mort.
Quand tu me prends par la main
je ne crois plus
qu’à mon corps,
abasourdi,
et à mon âme qui tourneboule
vaste et diaphane mappemonde
dans l’Infini.
Viatique
Tu m'as donné mesurée à la terre ta parole je te donne mes oiseaux leurs cris de pleine mer
Tu m'as donné plus vaste que le ciel ton cœur je te donne leurs rires la ferveur de leur vol
Tu m'as donné en partage la vie je te donne mes ibis de passage
l'embrasure de leurs ailes à l'estuaire intimes comme tes yeux leurs traces de lumière
Paris, avril 1994
Ces six poèmes de Simone Sow – « Femme » (p. 11), « Un
ange » (p. 12), « Ton nom » (p. 23), « Entre lune et
soleil » (p. 35), « Apocalypse » (p. 37) et
« Viatique »(p. 42) – sont extraits du recueil
Ibis, publié pour la première fois à Paris aux
éditions Caractères en 1996. Ils sont reproduits ici
avec la permission de l’auteure.
Enregistrement le 17 novembre 2005, à Paris, chez et par
Mathieu Rosaz
© 1996 Simone Sow © 2006 Simone Sow pour l’enregistrement audio (3:54 minutes)
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