Entrevue avec René Depestre
réalisée le 24 sept 1997
par Ghila SROKA
Tribune Juive : René Depestre, qui êtes-vous au
juste ?
René Depestre : La réponse réside dans le film « Haïti
dans tous nos rêves », de Jean-Daniel Lafond, qui relate
mon parcours d’écrivain. Le personnage de fiction dans
ce film pourrait être une première définition de ce que
je suis. La réponse est aussi dans mes livres, dans mes
poèmes avant tout.
Sur le plan politique, je traîne derrière moi une longue
trajectoire dans l’orbite communiste. J’ai vécu à
Prague, j’ai connu la Chine et le Viêt-nam, j’ai
travaillé dans la clandestinité communiste au Brésil et
avec Rafaël Alberti à Buenos Aires, j’ai collaboré à des
activités culturelles aux côtés de Pablo Neruda au
Chili.
Ce « vous » que j’emploie est plus qu’une formule de
politesse, il fait appel à un être multiple. Il y a en
vous l’écrivain – poète, romancier, essayiste avec
Bonjour et adieu à la négritude – mais aussi
l’homme engagé. Comment peut-on être à la fois poète
et communiste?
Voilà une très bonne question. J’ai cru pendant
longtemps, à tort, qu’on pouvait être à la fois homme
d’action et de rêve. C’est un mariage impossible. Il y a
des exceptions, bien sûr – je pense à un homme comme
Gabriele D’Annunzio, grand poète italien qui, au
lendemain de la première guerre mondiale, s’est révélé
être un homme d’action militaire.
Moi, j’ai été poète avant d’être communiste. Un poète
tout feu tout flammes, c’est-à-dire un homme en colère;
ce qui m’a valu mon adhésion précoce au communisme.
Après avoir publié mon premier recueil de poèmes, j’ai
collaboré à un journal de combat: La Ruche. Ce
nom symbolisait que nous voulions être comme des guêpes
pour le régime du président Lescot. Nous étions un
journal littéraire et artistique qui s’intéressait à la
politique. Nos écrits ont mobilisé beaucoup de gens, ont
conduit à une grève générale et à un vaste mouvement
d’opinion contre Lescot, dictateur d’Haïti au cours de
la Deuxième Guerre mondiale. Tout cela coïncidait avec
la venue d’André Breton en terre d’Haïti, en 1945. Le
troisième numéro de La Ruche lui fut d’ailleurs
dédié, en hommage à sa personnalité et au surréalisme.
Ce geste mit le feu aux poudres : c’était un véritable
appel à l’insurrection générale des Haïtiens !
Donc, en somme, j’ai occupé la scène politique pendant
des semaines en Haïti comme jeune homme en colère, avec
Jacques-Stephen Alexis et d’autres jeunes Haïtiens tels
que Gérald Bloncourt, qui écrivaient également dans la
revue. Cet épisode de ma vie marque l’origine de mon
adhésion à cette doctrine d’extrême-gauche qu’est le
marxisme.
Aujourd’hui, le poète l’a emporté sur l’homme
d’action ?
Le poète l’a emporté depuis longtemps. Durant toute ma
traversée du désert communiste, j’ai eu sur ma tête un
paratonnerre poétique. Mon adhésion au surréalisme fut
pour moi un antidote contre le dogme marxiste, la langue
de bois et autres excès du communisme.
En Union soviétique comme dans les démocraties
populaires ou à Cuba, j’ai toujours été très attentif
aux textes exclus des milieux communistes. J’ai lu
Joyce, Faulkner, Kafka, les romantiques allemands, un
peu de ce qui compte au niveau littéraire, sans pour
autant me référer aux goûts particuliers du parti. Cette
attitude m’a protégé, m’a empêché d’être tout à fait
«t ruqué », dans mon intégrité d’artiste et de citoyen,
par la bureaucratie soviétique.
Disiez-vous, pendant votre enfance en Haïti : « Quand je serai grand, je serai écrivain » ?Non, je n’y pensais pas, quoique j’étais un conteur-né. Il y a, en Haïti, une forme de narration orale appelée « audience » : on se raconte des histoires, des contes. Depuis ma plus tendre enfance, mes frères et mes soeurs m’écoutaient, surtout lorsqu’on était confinés à l’intérieur des murs de la maison. J’inventais des histoires inspirées de la pluie, de la mer, des rivières et des arbres. Je fantasmais beaucoup autour de la nature, de tout ce qui frappait l’imagination des petits Haïtiens. J’ai grandi, si je peux dire, dans un terreau littéraire.
Vous êtes passé de l’oralité à l’écriture…
…Sans que ce ne soit trop difficile. À l’école
primaire, j’ai eu un instituteur breton ; il nous lisait
souvent des textes de Fennimor Cooper, de Jules Verne,
d’Alexandre Dumas. Dans ces lectures, le conte français
rencontrait en moi le goût du conte oral. Cela m’a
conduit à être d’abord poète. J’ai souvent pensé qu’on
pouvait être plus facilement poète que romancier parce
que le rythme de la poésie est dans la nature. Je
l’avais déjà perçu dans le bruit de la pluie sur les
toits de zinc de la maison, dans la rivière, dans les
inondations et les cyclones, dans la vie bruissante du
golfe de Jacmel, qui a beaucoup d’énergie cosmique.
Ce lien cosmique avec les réalités d’Haïti et sa nature
m’a d’abord conduit à la poésie. Je pensais qu’être
écrivain requérait beaucoup d’expérience. Comme le
disait Sartre : « L’écriture est une affaire
d’ingénieurs, tandis que la poésie, on la porte presque
dans sa respiration ».
J’ai attendu longtemps avant de me mettre à la prose,
attendu d’avoir vécu.
Quel est, à l’heure actuelle, l’apport de la
négritude dans votre écriture ?
Il est certain que personnellement, j’ai dépassé cette
affaire. C’est pour ça que j’ai dit adieu à la
négritude, bien que la négritude ait été, pendant un
certain moment, une marche intermédiaire dans ma prise
de conscience. Je devais faire cette expérience pour la
dépasser, parce que la négritude a été construite comme
l’inverse de l’anthropologie des Blancs, constituée au
XVIIIe siècle, à travers l’expérience des Lumières. Il
fallait à un moment donné, et Sartre l’a très bien
compris, mettre au pied du mur notre perception des
couleurs de peau. C’est un bien, après tout, de se faire
dire qu’on est noir; mais on ne peut se cantonner dans
cela puisqu’on sait que c’est un mythe.
Maintenant, quelle est la valeur de la négritude dans
mon travail ? difficile à déterminer. C’est que je
n’appartiens pas à un seul courant, dans l’identité
multiple d’Haïti, mais à plusieurs: au réalisme
merveilleux, à l’onirisme créole, au surréalisme
populaire et à ce que j’appelle mon érotisme solaire et
qui est une partie constitutive de mon esthétique.
Tout cela me détermine. Non seulement la négritude, mais
aussi l’ensemble de toute l’expérience historique du
peuple auquel j’ai appartenu, à laquelle se cumule mon
expérience française; dans tout cela, je cherche l’effet
unique et comparable à ce qu’on appelle synergie dans le
domaine médical, c’est-à-dire un ensemble de fonctions
qui aboutissent à un effet unique. Le coeur bat comme
résultat d’une synergie : plusieurs fonctions organiques
contribuent aux battements du coeur de chacun de nous.
Justement, où en êtes-vous dans votre travail
d’écriture ?
Trois ans après avoir publié, chez Actes Sud,
Mon Anthologie personnelle qui a eu le prix
Apollinaire, j’ai ouvert un chantier. C’est un choix
stratégique: je suis en train d’écrire plusieurs livres.
Au lieu de publier chaque année ou tous les deux ans, je
vais en profondeur, je réfléchis. Maintenant que j’ai
fait le deuil des illusions de ma jeunesse, de celles
d’une partie de ma vie, de Cuba, j’évalue les ressources
dont je dispose, les matériaux de mon parcours, les
filons d’expériences, d’épreuves, d’acquis, de malheurs,
de souffrances et de joies que j’ai accumulés.
Quand j’ai lu votre livre intitulé
Dans un train chinois, j’ai perçu en vous une
combinaison des grands écrivains japonais. Vous êtes
allé au Japon également, n’est-ce pas ?
Oui, en effet, j’y suis allé. Quant à mon écriture, je
m’applique à y recréer un effet esthétique unique à
partir d’une expérience multiple. Je commence par un
effort autobiographique, sous forme de fiction
autobiographique…
On peut retracer votre trajectoire haïtienne à
travers vos poèmes, votre littérature. Quand on vous
lit, on a l’impression que vous écrivez vos romans en
Haïti…
…Après 50 ans d’absence, c’est le plus bel éloge
qu’on puisse me faire…
Mais il y a votre période cubaine qu’on ne connaît
pas. Est-ce que vous avez l’intention d’écrire un jour
un essai sur la question ?
Un essai, peut-être pas, mais de la fiction, sûrement.
Je pense même à un livre qui s’intitulerait:
Cuba : service après naufrage. J’y raconterais,
de fil en aiguille, tous les événements dont j’ai été
témoin, sans tomber dans le règlement de comptes avec
Castro et les Cubains. Simplement une recherche de la
vérité à travers l’écriture.
Aujourd’hui, que ressentez-vous quand vous avez des
échos de Cuba ?
Un sentiment de peine, comme une profonde tristesse.
Cuba a consenti et consent toujours, depuis près de 35
ans, à de nombreux sacrifices, mû par la certitude de se
sortir tôt ou tard de l’auberge de la pauvreté, de la
misère, de l’analphabétisme, bref, de tous les maux
propres aux pays sous-développés. Tout cela pour
finalement se retrouver avec la situation actuelle du
peuple cubain; c’est déplorable, et il est extrêmement
douloureux de le constater. On peut parler d’un échec
historique de la révolution.
En 1959, Cuba n’a pas eu d’autre choix que de se ranger
aux côtés de l’Union soviétique, à ses risques et
périls. On constate aujourd’hui les grands malheurs que
cela lui a apportés. En soi, cette association n’avait
rien de fatal. Mais avec l’effondrement du socialisme à
l’échelle mondiale, le conflit insoluble avec les
Américains et le séisme qui marque même l’histoire de la
philosophie marxiste, la situation s’est empêtrée, s’est
détériorée.
Tout cela est très douloureux, mais c’est l’Histoire. Et
je ne crois pas que Castro – malgré tous ses dons et
talents éclatants d’orateur, d’homme d’action, de
penseur – ne puisse trouver une voie propre à Cuba. Il a
accepté purement et simplement qu’on adapte plus ou
moins au cas spécifique de Cuba l’expérience soviétique:
une soviétisation tranquille mais efficace de Cuba.
Le parti communiste cubain, dans son travail quotidien
auprès des masses, a adopté les même méthodes qui ont
conduit le communisme à sa perte. La notion même de
parti est une notion pseudo-religieuse. Le système
communiste s’apparente à un ordre religieux ou
chevaleresque. Les Templiers d’autrefois ont trouvé dans
cette doctrine leur continuation moderne. On a assisté,
dans tout le monde communiste, à un phénomène que
j’appelle « détournement d’idéal », de rêve. On a
détourné le marxisme de son véritable parcours, de son
véritable voyage dans la vie intérieure des gens. On a
oublié le long voyage que de grands courants religieux
comme le christianisme, le bouddhisme et la philosophie
des Lumières avaient accompli dans la vie intérieure des
gens. Ces mêmes courants qui avaient fait comprendre que
l’homme ne peut vivre seulement de pain; il a aussi
besoin du sacré. Au lieu d’inventer notre propre sacré,
on a chassé la religion par la porte et on l’a laissée
entrer par la fenêtre sous forme de parti. Le culte du
parti, le culte de la personnalité, le culte du chef et
autres formes bâtardes du sacré, ont conduit le
communisme à son effondrement.
Vous êtes donc si attaché à Cuba ?
J’ai eu des années de bonheur à Cuba, j’ai épousé une
Cubaine, j’ai deux garçons cubano-haïtiens et je connais
bien le pays. J’ai étudié avec ferveur l’histoire de
Cuba, je connais bien l’œuvre de José Martí et de la
plupart des écrivains cubains. D’ailleurs, j’ai été un
ami très proche de Alejo Carpentier et de tous les
autres membres de l’intelligentsia cubaine.
En arrivant à Cuba, j’avais toute une expérience malgré
mon jeune âge ; je n’étais pas tombé de la dernière
pluie sur la Sierra Maestra ni sur La Havane. En mars
1959, je suis entré dans ce pays par la grande porte, en
invité d’Ernesto Che Guevara. J’ai travaillé à ses côtés
pendant plusieurs mois au début cette année-là.
D’ailleurs, j’ai eu de longs entretiens avec lui dans sa
chambre.
Dans le film de Jean-Daniel Lafond, vous ne sembliez
pas nostalgique d’Haïti, comme si votre valise, vous
la portiez en vous.
Comme la tortue porte sa carapace sur le dos, moi je
porte la mienne. Quand j’ai pris la parole dans diverses
universités américaines, j’ai expliqué que je possède un
système de racines. Il y a, en Asie du Sud-Est –
notamment à l’Ile Maurice et à la Réunion – un arbre qui
s’appelle le banian. Outre ses racines principales, il
possède des racines aériennes qui retournent à la terre
pour devenir un autre arbre. Une boucle perpétuelle
entre ciel et terre. Je dis que j’ai une identité
banian, c’est-à-dire démultipliante. Au fil des
expériences, j’ai superposé en moi diverses cultures,
sans pour autant perdre mes racines haïtiennes. Mes
racines sont itinérantes. Les gens croient connaître
l’identité totale d’un homme par une seule de ses
racines, c’est un leurre. De plus en plus, l’identité
humaine devient multiple.
L’exil n’est donc pas un malheur ?
Non. Puisque mon pays est en moi, je ne perds pas de vue
la réalité. Au contraire, l’exil m’enrichit, me guérit
aussi du nationalisme identitaire figé dans une seule
direction de la vie. L’exil me fait comprendre la
complexité même de la vie en m’apprenant à comparer un
peuple à un autre, une culture à une autre, et à
réfléchir à différentes cultures – celles de l’Amérique
du Sud, de l’Italie, de la France, de la Chine, de
l’Union Soviétique – en termes de complémentarité.
Le film de Jean-Daniel Lafond aborde aussi cette
question de l’exil.
Le film, comme mon roman, est une métaphore des malheurs
d’Haïti et de nos rapports d’Haïtiens à la langue
française. Il faut dépasser cette contradiction. Pour
reprendre l’image d’un poète haïtien, il faut descendre
du cheval en sueur de nos contradictions historiques.
Moi, je suis descendu de ce cheval en sueur – le mot
cheval, on l’emploie pour désigner le rapport d’une
personne qui est possédée par un Loa, un dieu. On est le
cheval d’un dieu, en sueur d’avoir tant galopé pour rien
dans le désert haïtien, pour prendre en main les données
fondamentales d’une histoire réelle, c’est-à-dire un
État, une société civile, un droit, des institutions,
une administration, enfin, tout ce qui forme un État
moderne. On a tout pour le devenir, mais ça demande
vraiment de grandes luttes. Parfois, je suis très
pessimiste et je dois vaincre cet état chaque matin. Il
y a le pessimisme de la raison et l’optimisme de la
volonté, comme disait Gramsci. C’est chaque matin que je
dois affronter ce débat existentiel.
Était-ce la première fois que vous participiez à un
film sur vous-même ?
Oui ! J’ai participé à des émissions de télévision, à
des reportages, mais à un film, c’était la première
fois. Ce film, c’est aussi une œuvre d’art, sortie de
l’imaginaire de mon neveu Jean-Daniel Lafond (qui a
épousé ma nièce Michaëlle Jean), c’est son œuvre à part
entière. Je n’étais qu’un élément de la fiction du
cinéaste.
Le fait que Michaëlle Jean soit votre nièce a
facilité la relation avec le réalisateur, les
relations de travail ?
Au contraire, ce lien familial a compliqué les choses,
parce que dans le film, on voit que je suis parfois à la
limite de l’éclat, excédé qu’on me pousse dans mes
derniers retranchements, ce que seule Michaëlle, étant
ma nièce, peut se permettre ; elle insistait même un peu
trop pour que je revienne en Haïti. On y voit un rapport
un peu complexe qui va même peut-être au-delà du rapport
oncle-nièce. C’est comme si elle était ma fille ; mais
elle n’est pas ma fille : elle est très belle et moi je
suis un homme solaire, n’est-ce pas ? Tout cela instaure
des rapports intéressants, contradictoires mais féconds
quant à la création, et donne peut-être un charme
particulier au film. Parce que les gens, on peut leur
faire confiance, ils sont capables de fantasmer beaucoup
autour de cette situation !
Qu’est-ce qui vous a motivé à accepter cette
expérience cinématographique ?
Ils voulaient que je retourne en Haïti. Ils se sont
heurtés à un refus formel : je ne rentre pas. Je ne
voulais pas rentrer en tant que citoyen, mais
j’acceptais en tant que personnage de fiction. Ce refus
s’explique par le fait que l’Haïti qui repose en moi, je
ne l’ai jamais quitté. Je ne suis pas un homme
politique, je n’ai aucun rôle diplomatique à jouer et
les choses étant ce qu’elles sont – j’ai un âge qui
demande la solitude, le retrait, la réflexion, le
travail quotidien, de la suite dans les idées, dans les
sentiments –, je ne peux risquer d’exposer sur la place
publique la mutation à laquelle j’obéis en ce moment. Ce
que je voudrais, c’est changer en flambée d’inventions
la quantité d’expériences que j’ai derrière moi. Changer
en qualité artistique le malheur de ma vie, les épreuves
douloureuses surtout – je pense à mon expérience
communiste, à mon expérience cubaine – changer cette
« maladie » en suprême santé de la poésie et de la
littérature. C’est un argument que je crois solide, que
Jean-Daniel Lafond a pris au sérieux en traitant son
film.
Aviez-vous votre mot à dire sur le scénario ?
Pas du tout ! Jean-Daniel a été libre de filmer comme
bon lui semblait. Je n’ai rien visionné jusqu’au dernier
moment. Ce n’est que lorsque tout fut prêt que je pris
connaissance, à Toulouse, de son travail. J’avais une
peur bleue de tomber sur une œuvre qui me décevrait. Le
film mettait en scène un conflit de famille, c’était
délicat.
Quelle a été votre réaction ?
Une grande surprise doublée de joie. Je suis devenu le
spectateur attentif de ma propre vie, tant et si bien
qu’à un moment donné, j’en ai presque oublié ma
participation au tournage. J’aurais voulu voir ce
personnage qui me ressemblait beaucoup, mon double
banian, dans d’autres situations de la vie. Le fait que
je sois resté sur ma faim de la sorte signifie que
Jean-Daniel Lafond a bien travaillé. Il a fait une œuvre
avec les éléments disparates de ma vie.
Comment avez-vous réagi, face aux images d’Haïti dans
ce film ? Qu’avez-vous ressenti ?
Une grande émotion. Il y a un contraste si violent entre
l’Haïti de mon enfance, qui était vivable jusqu’au début
des années 50, et l’Haïti actuel.
Les années 30 ont été de bonnes années. J’ai eu une
enfance plus ou moins heureuse, je n’ai pas à m’en
plaindre. Même de nos difficultés jaillissait une joie
de vivre; on montait à cheval, on dansait beaucoup, on
avait appris à admirer les phénomènes de la nature.
Vous aimiez ce qui était beau, alors
qu’aujourd’hui…
…Il n’y a plus rien. La beauté est en exil. On
pourrait paraphraser le livre de Carlo Lévi,
Le Christ s’est arrêté à Eboli. On y lit comment
les gens considéraient l’État comme une calamité
naturelle semblable à la malaria, aux cyclones ou aux
mauvaises récoltes. Aujourd’hui, la tâche fondamentale,
c’est de sortir Haïti du sinistre dans lequel il est
plongé et de constituer une société civile. J’ai vu un
désastre. Jacmel n’est plus Jacmel, c’est un zombie.
Haïti, c’est un pays profondément zombifié, même jusque
dans sa présence physique, dans ses montagnes. C’est
terrible.
Il y a la mort dans la rue.
Un journaliste français a dit que l’histoire d’Haïti
aura été une parenthèse vide, sur les plans politique,
des institutions civiques, du droit. Mais dans cette
parenthèse, on a quand-même pu constituer une culture,
une poésie.
Mais une culture en exil. Haïti a donné de grands
intellectuels qui sont au Canada, aux États-Unis, en
France, partout dans les Caraïbes.
En exil parce qu’ils ne peuvent pas vivre en Haïti,
c’est la grande contradiction de notre pays. Les
Haïtiens réussissent à l’étranger parce qu’ils y
trouvent des cadres juridiques, civiques et politiques
favorables à la création. En Haïti, il n’y a jamais eu,
à aucun moment de notre histoire, la notion d’autonomie
de l’individu. L’individu est pris dans des histoires de
clans, dans un clientélisme politique macabre. Duvalier
fut l’expression suprême de cette « papadocratie »
organique qui travaille.
Le film va-t-il être projeté en Haïti ?
Oui, et je serai présent, sous les yeux des Haïtiens,
ils pourront me regarder comme ils voudront. C’est le
seul apport que je puisse faire à Haïti, pour le
déduvaliériser définitivement, pour envoyer au musée des
cauchemars, des grandes horreurs du siècle, cette
expérience abominable du duvaliérisme.
Parlant de Duvalier, vous habitez le sud de la
France ; il est donc votre voisin, non ?
Oui, c’est un de mes voisins, ce bâtard de la
« papadocratie ». Il était nul et l’est resté,
j’imagine.
Qu’est-ce que vous pensez de Jean-Bertrand Aristide ?
A-t-il été un bon président ? Dans le film, vous avez
une longue conversation téléphonique avec
lui…
Je n’ai aucun préjugé à son égard mais si je devais en
avoir un, il serait plutôt favorable. D’abord, il a été
élu démocratiquement, pour la première fois. Il peut
avoir un certain recul pour regarder les réalités
redoutables d’Haïti, de par sa formation religieuse, par
sa maîtrise de plusieurs langues, ses connaissances
accumulées au fil des voyages, son charisme. Il a su
négocier une situation extrêmement difficile – parce
qu’au départ, c’est très douloureux pour n’importe quel
Haïtien de voir revenir des troupes américaines
d’occupation, bien que le contexte soit très différent
et qu’aujourd’hui tout cela soit garanti par des
institutions internationales. Les Américains ont reçu un
mandat précis et l’accomplissent. J’ai d’ailleurs publié
un article dans Le Monde dont le titre, « Une
parole de vérité », est inspiré d’un proverbe russe qui
va comme suit : « Les paroles de vérité pèsent plus
lourd que le monde entier ». Cette parole de vérité,
c’est la parole qu’Aristide incarne aujourd’hui. C’est
une parole de nuit, une très belle parole.
Cet article a choqué beaucoup d’Haïtiens. J’ai carrément
pris parti en faveur de l’intervention américaine, en
expliquant bien qu’il s’agit d’une intervention
différente de celle de 1915, que les États-Unis ne
cherchent pas à prendre des positions stratégiques et
économiques en Haïti.
Aujourd’hui, on assiste à la formation d’une société
civile internationale. Haïti est un élément de
laboratoire de ce qui est en train de se constituer sous
nos yeux et qui va donner des fondements juridiques à la
mondialisation. Une nouvelle étape d’hominisation des
humanités.
Vous avez dit lors d’une conférence : « Il faut se
méfier du nationalisme identitaire ». Pouvez-vous
développer cette affirmation ? car nous traversons une
crise identitaire au Québec.
Cette crise est mondiale. On la retrouve autant ici que
dans le monde arabe, dans les pays africains ou en
Haïti. Toutes les régions traversent une crise
d’identité qui prend la forme d’un nationalisme
exacerbé. À cela s’ajoute une espèce de fuite en avant,
due à l’informatisation massive de la société,
c’est-à-dire, au phénomène de la mondialisation.
Je constate que la situation mondiale fonctionne sur un
double mouvement de balancier. D’un côté, on retrouve
tous les grands mouvements universalistes tels que les
écologistes, Amnistie Internationale, Greenpeace et ceux
qui parlent des nouveaux droits humanitaires. Tous ces
gens-là sont marqués d’un élan planétaire. De l’autre
côté, il y a un mouvement de repli, fait de traditions
nationalistes. Or, le nationalisme aura été le grand
malheur du XXe siècle. On le trouve partout, que ce soit
dans le régime nazi ou dans toute autre forme de
cloisonnement. Le malaise, c’est le nationalisme.
Quelles que soient les formes qu’il prenne, il débouche
toujours sur des régimes de terreur, sur une étroitesse
d’esprit.
C’est le nationalisme qui, dans une grande mesure, a
perdu l’Union soviétique, parce que derrière cette
terminologie internationaliste, se cache un nationalisme
déguisé. Il n’y a pas plus nationaliste que Fidel Castro
et les Cubains. Aujourd’hui plus que jamais, il faut
rejeter le nationalisme.
Le 31 octobre dernier, vous avez été témoin d’une
scène poignante : après l’annonce du résultat
référendaire en faveur du NON, Jacques Parizeau,
premier Ministre à l’époque, a tenu des propos
blessants à l’endroit des Québécois d’origines
diverses en attribuant la défaite souverainiste au
vote ethnique. Quelle est votre lecture du débat
référendaire ?
Les Québécois et les Canadiens, en gardant leur
sang-froid, en acceptant le résultat très serré du
scrutin, ont donné un exemple de vie démocratique au
cours de cette période référendaire. Ils ont fait preuve
d’une maturité démocratique extraordinaire, parce que
dans n’importe quel autre pays, la situation aurait pu
dégénérer en émeute nationaliste, en dérapage sur la
voie publique. Le calme relatif qui a entouré les
événements référendaires témoigne de la bonne réflexion
qu’a faite ce peuple sur lui-même. Par conséquent, ce
peuple n’a aucune raison de verser dans le nationalisme.
Il est mûr pour autre chose.
Les Québécois sont bien placés pour comprendre que
l’identité ne peut pas s’accrocher à un seul courant de
l’Histoire, à une seule expérience historique de la
démocratie. Il y a l’expérience des voisins canadiens
qui est tout aussi valable ; en cumulant les deux
réalités, les Québécois peuvent faire du Canada une
expérience historique qui sera un modèle démocratique.
Pourquoi ne pas voir dans le Québec également une
identité banian ? Comme Milan Kundera le dit, à chaque
ethnie, à chaque culture spécifique est aujourd’hui
attaché ce qu’il appelle un contexte médian, qui est la
marche intermédiaire vers cette spécificité qu’est le
monde. Pour les Québécois, le contexte médian le plus
évident, c’est d’abord les voisins anglo-saxons, ensuite
les États-Unis, les Caraïbes, la France. Donc
aujourd’hui, il faut établir des passerelles entre les
divers contextes médians à l’échelle planétaire. Il y a
des marches intermédiaires entre les diverses cultures
du monde, et celles-ci sont entre elles des formes
parentes, sur le plan historique des cultures.
Puisque depuis 1492, il y a eu une ouverture générale de
la planète, les cultures se croisent dans ce qu’on
pourrait appeler un processus mondial de créolisation.
Les Caraïbes, Haïti, la Martinique, la Guadeloupe et
Cuba ont été le laboratoire historique de cette
expérience. On a fait une expérience considérable de ce
phénomène qui est unitif, démocratique, et qui nous
permet d’échapper aux mythes de cloisonnement comme le
racisme et le nationalisme.
Le nationalisme vise au repli sur soi, sur des
traditions archaïques, sur des choses obsolètes, des
clichés, des stéréotypes dépassés depuis longtemps. Il
faut s’en sortir parce qu’on peut dire n’importe quoi à
partir de cette affaire d’identité. Ce n’est plus un
concept opérationnel ; même les gens les plus
extrémistes de droite ont recours à la notion d’identité
qui ne peut conduire qu’à une impasse. L’ennemi, c’est
le nationalisme.
Comment analysez-vous ce mouvement, en Amérique du
Nord, qui consiste à mettre dans le même bain tous les
écrivains noirs sous prétexte qu’ils ont la même
couleur de peau, à affubler d’un préfixe un écrivain ?
Pourquoi cherche-t-on à les séparer de la réalité ?
La problématique est très vaste. Personnellement, je
suis un écrivain tout court. Si on tient à m’étiqueter,
on peut dire que je suis un écrivain franco-haïtien. En
tout cas, je suis tout sauf un écrivain noir !
La problématique subsiste parce que le mythe de la
couleur, dans l’histoire mondiale de la culture, a la
vie longue. C’est une tentation très grande que de
désigner par un terme générique des individus très
différents, indépendamment de leur couleur. Cela s’est
constitué après la découverte de l’Amérique. Christophe
Colomb n’a pas découvert l’Inde, mais il a tout de même
appelé « Indiens » les indigènes des Caraïbes ; il n’a
même pas attribué une dénomination propre à chaque tribu
alors que ces autochtones appartenaient à différentes
ethnies.
Le même phénomène s’est ensuite reproduit avec les gens
prétendument noirs, avec une multiplicité d’ethnies
africaines : Bambara, Wolof, Congo, etc. On a trouvé
plus expéditif de considérer qu’ils étaient tous des
Noirs.
Même phénomène avec les ethnies européennes : les
Espagnols, les Portugais, les Irlandais sont tous
devenus des Blancs. Une entreprise de déguisement
anthologique. On a donné des masques à tout. Plus que
jamais dans l’histoire de l’humanité, les peuples se
sont mis à avancer, affublés d’un masque noir, blanc ou
jaune. C’est une mythification des relations. À partir
de ce moment-là, un rapport de cause à effet entre
couleur de peau et condition sociale s’est établi. À ce
dit rapport se sont greffées des significations
esthétique, éthique et religieuse. C’est pourquoi,
aujourd’hui, malgré tous les résultats de la
déracialisation des relations humaines, perdurent des
tendances de ghettoïsation, comme aux États-Unis par
exemple.
Le jour où j’ai écrit : « Il n’y a ni Noirs, ni Blancs,
ni Jaunes », beaucoup de gens n’étaient pas d’accord ;
ils se sont crispés, trop heureux d’être dans leur rage
de cloisonnement racial, alors qu’il s’agit au fond
d’une sorte de profanation sémantique de l’espèce,
puisque l’espèce est Une.
Bien sûr, il y a eu des inégalités de développement
entre régions, d’où résultent différents modes
d’adaptation à la nature d’une grande région à l’autre,
d’un continent à l’autre. Cela exprime la grande
diversité des formes historiques de la condition
humaine.
Chaque groupe d’ethnies, chaque famille européenne,
aborigène d’Amérique, d’Afrique et d’Asie est une
famille de sociétés qui a évolué pendant très longtemps
sans contacts. Les formes historiques de domination, les
forces historiques par lesquelles les hommes sont
devenus hommes, ont été très différentes d’un continent
à l’autre et ce, sur une longue période historique.
Malgré tout, c’était toujours la même espèce qui
évoluait dans l’échelle de l’hominisation. C’est le
grand processus par lequel on est sorti de l’animalité,
de la barbarie, c’est-à-dire que c’est à travers
d’expériences tribales et claniques que nous sommes
devenus des hommes.
Donc, ceux qu’on a appelés, surtout à partir de 1492,
les Blancs, les Noirs, les Jaunes et les Rouges, ne sont
que des formes historiques diverses de la condition
humaine. On les a intériorisés sous cette forme mythique
de couleur, et on a du mal aujourd’hui, comme aux
États-Unis, à s’en sortir. Il faut qu’on sorte cette
prison de l’esprit et de la sensibilité et qu’on
comprenne qu’hommes, femmes, enfants, disent beaucoup
plus sur les plans moral et esthétique, que noir, blanc,
jaune ou rouge.
Aux États-Unis, un homme nommé Louis Farrakhan a
organisé le « Million Man March ». Est-ce que vous
pensez que si on est une personne noire, on est obligé
de s’identifier à ça ?
J’ai eu l’occasion de voir ce monsieur à la télévision,
à une émission française. Mon fils et moi avons eu la
chair de poule en entendant ses discours. Cet homme qui
fait flèche de tout bois, n’a aucune rigueur
intellectuelle, même la plus élémentaire qui soit. C’est
quelqu’un de redoutable ; à la limite comparable à
Hitler ! Sa rhétorique foisonne de dangers, parce
qu’elle amalgame un tas de vieux clichés. Il est certain
que le peuple noir américain n’a pas encore pris en main
le problème réel de sa libération. Aujourd’hui, qu’on le
veuille ou non, c’est dans l’intégration que les
Afro-américains peuvent trouver une solution aux
conflits raciaux datant de l’époque de l’esclavage, non
en s’enfuyant dans une parole invertébrée, inouïe, et
fascisante comme celle de monsieur Farrakhan. C’est une
régression, une misère de la culture noire américaine,
que des rivières de gens suivent un tel faux prophète.
Comme une sorte de fondamentalisme noir qui est en train
de se constituer sournoisement.
Un fondamentalisme né dans les années 60 avec Angela
Davis et les Black Panthers, étendards de la culture
afro-américaine.
J’ai eu un entretien inoubliable avec Eldridge Cleaver,
alors ministre de l’information du pouvoir noir en exil
à Cuba. Je lui disais : « Méfiez-vous de la notion de
pouvoir noir, on ne peut pas constituer une idéologie
politique comme inverse de l’idéologie qu’on combat. À
ce moment-là, on tombe dans un gobinisme renversé ». Et
j’ai ajouté : « Nous avons la négritude totalitaire au
pouvoir en Haïti : Duvalier. Donc le totalitarisme noir
ne peut déboucher que sur des cauchemars, des
catastrophes et des massacres. C’est un retour pur et
simple à la barbarie ». Il m’a insulté, m’a dit :
« Monsieur, prenez la porte ! ». Et pourtant, j’avais
raison. Lui-même, d’ailleurs, s’est détaché de tout
cela. Je crois qu’il est maintenant pasteur en
Californie.
Que pourriez-vous dire aux jeunes Haïtiens du Québec
qui ont perdu leurs repères identitaires et qui,
justement, se tournent vers des Louis Farrakhan pour
retrouver leurs racines ?
J’ai entendu de jeunes Haïtiens soutenir que Farrakhan
avait raison, qu’il parle très bien, qu’il est clair,
qu’il dit tout haut ce que les gens pensent tout bas.
C’est ce qu’on dit de quelqu’un comme Le Pen en France,
il dit tout haut ce qu’on pense tout bas, c’est une
mystification de dire ça. Je pense que les jeunes
Haïtiens qui sont ici, s’ils ont des difficultés,
jouissent tout de même d’une grande communauté
démocratique. Il y a des repères dans ce pays. Il faut
qu’ils vivent mieux l’expérience québécoise,
l’expérience canadienne, qu’ils l’approfondissent,
d’autant plus que le phénomène de créolisation est
propre à notre histoire. C’est un privilège pour eux,
s’ils ne peuvent pas vivre en Haïti, d’avoir un lieu
d’asile, un point de chute comme le Québec, qui est un
lieu de réflexion démocratique tel que démontré lors du
dernier référendum.
Je leur dirais : « Ne soyez pas découragés, ne cédez pas
aux premières pulsions politiques que vous permet de
vivre un homme comme Farrakhan. Gardez votre sang-froid
pour identifier le faux-prophète derrière les grands
discours délirants de cet individu qui fait peur et qui
ne peut que retarder l’émancipation des Noirs ».
Le phénomène de mondialisation va à la fois permettre
aux gens de se solidariser, à partir de leur chez-soi
américain commun, aux prétendus Blancs et Noirs
américains. Je dis prétendus parce qu’il n’y a jamais eu
ni Noirs ni Blancs. C’est une chose mythique de la
colonisation qui est dépassée. On a fait tant de progrès
sur les plans de la médecine, du droit, de la science.
Il n’est pas permis de s’accrocher à ce qu’il y a de
moins signifiant dans l’être humain, c’est-à-dire sa
couleur de peau. Ce qui est important, c’est sa culture,
sa maturité d’esprit, son souci de faire avancer la
démocratie, son souci de faire avancer les droits de
l’homme et du citoyen, de perfectionner les outils
historiques de la démocratie qui n’appartiennent à
aucune race mais qui font plutôt partie du patrimoine
mondial de la culture, comme le voulaient Goethe,
Beethoven, Shakespeare, Tolstoï, les plus grands
esprits, les êtres les plus généreux de la création.
Comment pouvez-vous être pessimiste alors que vous
vivez dans la villa Adriana, qui est une merveille ?
On dirait que vous avez transporté Haïti en France.
Bien sûr que de l’extérieur j’ai tout pour être un homme
heureux. C’est un pessimisme vaincu, dans mon habitat,
dans ma vie.
Alors, que manque-t-il à votre bonheur ?
Même si je réside en France parce qu’on m’a offert la
citoyenneté française, l’hospitalité à la française, la
culture française, la possibilité de voyager dans les
universités américaines, d’avoir une sécurité
personnelle, d’être à Paris de temps en temps, ça ne
suffit pas à mon bonheur, car mes compatriotes
d’origine, les « racines-mères » de mon banian,
souffrent de n’être pas arrosés. Haïti attend qu’un
gouvernement l’arrose.
Le texte ci-dessus, « René Depestre: Haïti dans tous nos rêves », a paru partiellement pour la première fois dans la Tribune Juive, volume 16 numéro 1 (janvier 1999), pp. 24-30. Il est republié en intégralité sur Île en île avec la permission de Ghila Sroka et de la Tribune Juive, magazine interculturel (Montréal).
© 1999 et 2000 Ghila Sroka et la Tribune Juive ; © 2000 Île en île
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