Poésies vol. 1, nº 4, pages 11-17 |
|
Il parlait d’une voix très grave. Il se montrait triste et sévère. Il fut de lune, il fut d’acier. Il résonnait. Il s’enflammait.Il s’avançait dans la lumière. À mi-sentier, il s’est assis. – Je meurs, a-t-il dit. Et le jour, le jour n’était que rêve encore.Haïtien, dis-moi, as-tu vu passer son front à la peau brune et voler son ombre suave?Il fut d’acier, il fut de lune. Il parlait d’une voix très grave. Il se montrait sévère et triste.
Oui, je sais bien, nous savons bien que tu es
mort!
Et cependant, je le revois
Je revois *
Et le reste, le reste,
Qui va presser l’éponge,
l’insatiable
Nègres pieds nus devant le Champ de Mars,
Il va presser l’éponge,
Alors on verra le dur soleil des Antilles
Et l’on verra flotter sans cordes et sans
chaînes,
Dans sa course, le feu tranchant d’un
incendie
O naissante aurore des temps! *
Et bien: nous y voilà, Jacques, lointain ami.
De temps en temps un fleuve réussit *
Du jour initial point la grande lumière
d’été.
Chantons Rio-de-Janeiro, 1948 |
Nicolàs Guillén
Né à Camagüey (Cuba) le 10 juillet 1902, Nicolas Guillén
est l’une des grandes figures de la poésie cubaine
du 20e siècle. Dès son premier livre
Motivos de Son, publié en 1930, il connut la
notoriété. L’originalité de sa poésie, inspirée
par certains aspects de la vie du nègre à Cuba et la
virtuosité de la forme développée dans les « sones »,
chansons typiquement antillaises, firent de Guillén le
grand poète populaire de l’Amérique latine. Succès
que confirmèrent d’autres publications dont
Songoro Cosongo (1931),
West Indies Ltd. (1934),
Cantos para soldados y sones para turistas
(1937),
España, poema en cuatro angustias y una esperanza
(1937), La poloma de vuelo popular. Il est mort
en 1988.
Poète national de Cuba, ami de Jacques Roumain, de
García Lorca, de Paul Éluard et de tous les grands
écrivains de son temps, la poétique de Guillén est
fondée sur l’appel incessant au respect de la
personne humaine et à la célébration de la rencontre des
cultures.
Retour:
- Jacques Roumain – page de présentation
- Boutures, vol. 1, n° 4 – table des matières
- Île en île