(extraits de La Lumière du Monde)
Dépenaillés
hébétés
parmi les ruines
Soufflés pareils à la flamme
Ce que nous fîmes
semblable à du verre
Ce que nous sommes
parti dans le vent
Nous n’étions pas
dans l’eau furieuse
ni les tôles froissées
Rien de nous
dans l’écorce
issue de nos mains
*
C’est toujours le temps des semailles
Naissance renaissance
et l’impuissance du semeur
En ce temps-là
les armes seules
pensaient
Des bombes intelligentes
cylindres luisants
Et cette excitation malsaine de la guerre
Quelle luxure dans la destruction
Nous-mêmes parmi les ruines
Faire quelque chose
Plus de vacance
se donner soi
scieur de long
Pieds dans la boue
Trois tas bien nets
futiles pyramides
avant que ne revienne
le balancier du Chaos
Merles groggy
gosses dans les flaques
cette joie qui passe à gué
sans cesse
La vie s’entête
Quelle ombre immense
sur la douceur
des paupières
*
J’ai connu un marin
qui avait vu le soleil en face
à Mururoa
Il mourut
de leucémie
à Nouméa
À sa fille j’offris
cette année-là
un éléphant de cristal
*
En moyenne une espèce
vit
quatre
millions d’années
Tous les
500 000 siècles
extinction de masse
tabula rasa
Aérolithe
virus
déluge
glaciation
La prochaine approche
Ce ne sera pas
tel météore trouant l’espace
ni l’eau rugissante
ni la neige
Ce sera nous
*
Matin
Miction impossible
Barre d’aviron
Flor de amor
qui n’en démord
rame et cabestan
Écrans au plasma
Tanks à tous les JT
Tout éméchés de sitcoms
et de
soft operas
Drones sillonnant le ciel
Ni putes ni soumises
Un pitt-bull aux yeux clairs
bondissait à la grille
Corpus mundi
Sans cesse boue & lumière
Tigres et tanagras sentent le kérosène
3 500 F pour s’inscrire
à la bibliothèque
Corpus mundi
Baie de la Moselle l’eau monte
( 12 cm en 12 ans)
Rester lisse
Momies sans rides
des bimbos octogénaires
s’injectent des toxines botuliques
Nelson fils du Transkaï
apprit la boxe
resta 26 ans
en prison
Bracelets électroniques
cartes
matricules à la con
Plus de majuscules à aucun nom
Plus rien n’a d’importance
L’enfant (par contumace
dans une pipette) brûle
des fourmis avec une loupe
Les hommes naissent et puis
deux à s’élancer
d’une tour en flammes
à la rencontre du vide
Oh bien sûr
on donnait des notes on prenait des mesures
on auscultait à coups de scanner et de statistiques
Dow Jones et Nasdaq
À moins de 15
l’élève Guttierez pleurait
pour 17 à Saulieu
un autre se suicida
Agoras dégoisantes
Banques de teck
Les dieux s’étaient
réfugiés dans les arbres
*
Les Talibans sont venus
Ils ont coupé les abricotiers
brûlé les vignes
Depuis la poussière
se glisse dans les cheveux
et crisse sous les dents
Les plaines
refleuriront
a dit l’enfant
Le poème « Un Éléphant de cristal » a été publié pour la première fois dans le recueil de poésie de Frédéric Ohlen, La Lumière du Monde, paru dans une co-édition Grain de sable et l’Herbier de Feu à Nouméa en 2005, pages 128-135. « Un Éléphant de cristal » est la cinquième partie du recueil.
© 2005 Frédéric Ohlen
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