(extraits de poèmes)
[…]
Tout est présence quand nos pas mordent au nougat du monde quand l'inconnu t'accueille et te reconnaît
[…]
Tout est présence malgré la chute abrupte et les mains qui se perdent malgré le sec et l'os acéré de l'absence
Tout est présence même pour qui ne croit plus à la victoire du fruit ceux à qui l'enfant parle replié sous la terre ceux qui n'ont pas nagé dans l'eau sacré des songe
*
En toi comme la vieille étiquette d'un prix que l'ongle ne peut atteindre
En toi comme un souvenir doux une bouche démente une lune voluptueuse un corps soûl de bonheur qui ne sait pas danser une liesse où nos mains s'émoussent
En toi comme une rage ouverte comme l'océan ce désir-mer toujours resté au bord des gestes comme la page toujours à écrire où tout serait de nos balbutiements
En toi comme une musique sourde une maison de lumière immergée dans le vent Pas comme cet alcool qui te décapite d'un coup feu et fausse chaleur qui rendent tes pas flous et tes mains étrangères caveau noir pour ceux qui ne savent que faire du miracle de vivre et du jour qui revient
[…]
mais comme un visage d'eau verte un instant habité d'une douceur aiguë comme un acte de justice comme un geste juste
*
Ne parle pas du sens si tu ne sens cela tous ces lieux traversés que ton pas seul apprend tous ces sols jonchés de comètes humaines leur musique sous le sable comme une cité ancienne un palais souterrain plein de fresques muettes Ne parle pas du sens si tu ne sais cela le cri celé sous le scintillement
cette violence lasse qui voudrait tout changer Ne parle pas du sens si tu ne peux cela prêter ta bouche au monde et ta poitrine aux morts mettre tes reins au cœur remuant des ténèbres devenir de mains douces l'arbre en leur sang laissé Ne parle pas du sens si tu n'allumes au soir une lampe dans la montagne
Le recueil de poésie de Frédéric Ohlen, Le Marcheur insolent (Nouméa : Grain de sable, 2002) regroupe des ensembles écrits dans les cent derniers jours du XXe siècle sous les titres suivants : « Les Mains claires » ; « Les Manguiers de la République ; « Le Soleil assassin » ; « Dernier été » ; « Destination jour » ; « La Porte de jade » ; « Le Nom du monde est colline » ; « Le Sang fusillé » ; « Une Lampe dans la montage » et « Tu pars ». Offerts aux lecteurs d’Île en île par l’auteur, les extraits cités ci-dessus proviennent de la neuvième partie du recueil, « Une Lampe dans la Montagne », pages 183-185.
© 2002 Frédéric Ohlen
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