Cayenne un nom machinal étendu entre mes lèvres harassées de secousses exfoliées un rappel de cris encerclés par une mutilation de membres annexes où s'exhibe ma solitude décharnée Cayenne une violence de prunelles désorientées un clapotis de pieds tawa dans les rios tapis de sang quand nos révoltes s'éveillent en de beaux rêves réparateurs ma solitude est un cauchemar
crier au suicide ? crier au crime ? à la mainmise ? à l'assimilation ? crier ?
Cayenne un acharnement de coléoptères autour des plantations ventre-creux et des poissons maigres de nos gencives une exaltation de poivre surchauffée sur des blessures attentives au bruit au mouvement aux couleurs à toute révolte à toute secousse viendrez-vous, vous mirer autour de ces étangs viendrez-vous y boire et périr de notre Foi ?
Je ne sais pourquoi le ciel a la gueule écrabouillée je ne sais pourquoi les oiseaux sont aphones et revanchards je ne sais pourquoi les déserts ont pénétré les pinotières ni pourquoi les chiens palabrent et pourquoi les pucerons ont pris la direction des affaires
mais je vis à Cayenne et je vais en mourir
(16 mai 1975)
« Cayenne » est un poème d’Élie Stephenson publié pour la première fois dans son recueil, Catacombes de soleil (Paris: Éditions Caribéennes, 1979, pages 41-42).
© 1979 Élie Stephenson
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