Né le 4 février 1946 à Fort-de-France, Tony Delsham effectue toute sa scolarité, primaire et secondaire, au Lycée Schœlcher. De 1962 à 1963, alors qu’il est encore sur les bancs du lycée, Tony Delsham est l’un des plus jeunes organisateurs de spectacles publics à la Martinique. En effet, chaque jeudi, il produisait « Les Infidel’S », groupe rock et twist composé de lycéens âgés de treize à quinze ans et qui attirait des milliers de spectateurs de tout âge.
En 1965, les études secondaires terminées, à l’image de son père, il pense à une carrière militaire mais abandonne cette idée après son passage au 40e Régiment d’Artillerie basé à Chalons-sur-Marne. À la même époque, il collabore à différentes feuilles de choux de la région et s’intéresse au mécanisme de la presse et de l’édition.
En 1970, de retour à la Martinique, Delsham est consterné par deux évidences qui lui avaient échappé jusqu’alors : 1.) L’indigence d’une presse dominée par la Radio Télévision Française et par France-Antilles, quotidien du groupe Hersant. En face, les journaux de partis politiques réagissaient très vivement contre ce qu’ils estimaient être une volonté d’aliénation du peuple martiniquais par les autorités. La radio et la télévision ne réalisant aucune production locale, diffusaient des informations en provenance de France. Les journalistes, en réalité, étaient des lecteurs de dépêches, tandis que le quotidien traitait les chiens écrasés. 2.) L’absence totale de livres écrits par des auteurs antillais. Aimé Césaire, Frantz Fanon, Joseph Zobel – les seuls existants à l’époque – étaient introuvables en librairie.
Dès lors, Delsham n’a qu’un objectif : créer une structure permettant l’édition de romans et de livres, présentant un visage plus vrai de la Martinique pour, selon sa formule, « tenter de reconstituer un miroir brisé ». Au moment où la Radio et la Télévision d’État amorcent une ouverture sur le traitement de l’information locale accompagnée d’une politique d’embauche de martiniquais, il décide de créer ses propres journaux avec comme objectif affirmé : parler au plus grand nombre. Une rapide étude de marché auprès des distributeurs démontre que le plus gros véhicule répondant à cette exigence était le roman-photo, suivi de la bande dessinée. L’offset n’existant pas aux Antilles, il choisit la B.D. Dans le même temps, il lance en 1972 un hebdomadaire d’information générale : Martinique Hebdo.
En 1975, c’est la fusion avec Le Naïf, hebdomadaire composé par une équipe animée des mêmes intentions.
Au cours des années, forcée par les revendications martiniquaises et surtout talonnée par la concurrence rendue possible grâce à la libération des ondes au début des années 1980 sous le gouvernement socialiste, la Radio Télévision d’État est obligée de jouer son rôle d’informateur, tandis que de plus en plus l’édition française s’intéresse aux écrits antillais. Mais Tony Delsham ne varie pas son attitude. Jusqu’à ce jour, il ne collabore qu’avec des organes de presse dont les racines sont martiniquaises ; il ne présente pas ses manuscrits aux éditeurs français.
Provocateur, les thèmes traités par l’auteur sont toujours puisés dans les bobos des Antilles qu’il explore sans parti pris : « je n’ai de facture à présenter à quiconque, dit-il, je ne me bats pas au nom de mes ancêtres esclaves mais bien au nom du présent et du futur de nos enfants ». Alors tout y passe : les rapports conflictuels des descendants d’esclaves et des descendants d’esclavagistes, les rapports hommes-femmes, l’émigration organisée par Paris, la toxicomanie, la sexualité et cetera…
L’œuvre de Tony Delsham a été mise en scène en Martinique et à l’étranger, et portée à l’écran, petit et grand. Depuis une dizaine d’années il est rédacteur en chef de l’hebdomadaire Antilla et, depuis 2001, participe régulièrement à l’émission « Dialogue avec la presse » de Kanal Martinique Télévision. Personnalité très médiatique, Tony Delsham, auteur de plus d’une vingtaine de romans, est l’écrivain le plus lu des Antilles.
– Thomas C. Spear
Repères :
- 1972 Création des Éditions M.G.G (pour Martinique Guadeloupe Guyane).
- 1972 Lancement de M.G.G, première bande dessinée des Antilles.
- 1972 Lancement de Martinique Hebdo, hebdomadaire d’information générale.
- 1975 Fusion entre Martinique Hebdo et Le Naïf pour la partie presse.
- 1975 Rédacteur en chef du Naïf, jusqu’en 1982.
- 1982 Démission du Naïf.
- 1990 Rédacteur en chef de Antilla, hebdomadaire d’information générale.
- 1999 Les Éditions M.G.G se transforment en Martinique Editions.
Oeuvres principales:
Romans:
- Le Salopard. Paris: Presses de la Circex, 1971.
- Xavier: le drame d’un émigré antillais. Fort-de-France: Éditions M.G.G., 1981.
- Ma Justice. Fort-de-France: Éditions M.G.G., 1982; 2006.
- Les Larmes des autres, roman antillais. Fort-de-France: M.G.G., 1983.
- Lapo Farine, roman antillais. Fort-de-France: M.G.G., 1984.
- Panique aux Antilles. Fort-de-France: M.G.G., 1985.
- Tracée sans horizon. Fort-de-France: M.G.G., 1985.
- L’Impuissant. Fort-de-France: M.G.G., 1986.
- L’Ababa. Fort-de-France: M.G.G., 1987.
-
Le Siècle:
- Tome 1: Fanm Dèwó, roman antillais. Schœlcher: MGG, 1993.
- Tome 2: An Tan Robè, roman antillais. Schœlcher: MGG, 1994; 2006.
- Tome 3: Lycée Schœlcher. Schœlcher: MGG, 1995.
- Tome 4: Choc. Schœlcher: MGG, 1996.
- Tome 5: Dérives, roman antillais. Schœlcher: MGG, 1999.
- Kout fè. Schœlcher: MGG, 1994.
- Papa, est-ce que je peux venir mourir à la maison? Schœlcher: MGG, 1997.
- Gwo Pwèl, vies coupées. Schœlcher: MGG, 1998.
- Gueule de journaliste. Schœlcher: MGG, 1999.
- Négropolitains et euro-blacks. Schœlcher: MGG, 2000.
- Chauve qui peut à Schœlcher, comédie policière. Schœlcher: Martinique Éditions, 2001.
- Tribunal femmes bafouées. Schœlcher: Martinique Éditions, 2001.
- Lapo Farine, roman. Schœlcher: Martinique Éditions., 2002.
- Chauve qui peut à Schœlcher, comédie policière. Schœlcher: Martinique Éditions, 2003.
-
Filiation:
- Tome 1: M’man Lèlène. Schœlcher: Martinique Éditions, 2004.
- Tome 2: Une Petite Main, chargez ! Schœlcher: Martinique Éditions, 2004.
- Tome 3: Le Fromager. Schœlcher: Martinique Éditions, 2005.
- Paris, il faut que tu saches. Schœlcher: Martinique Éditions, 2007.
- Valentin et Soraya. Schœlcher: Martinique Éditions, 2008.
Essai:
- Cénesthésie et l’urgence d’être. Schœlcher: Martinique Éditions, 2005.
Théâtre:
- Katia, adaptation de l’Ababa par Tony Delsham, mise en scène de Gérard Bourdon en janvier 1994. Tournées: Martinique, Guadeloupe.
-
Tribunal femmes bafouées, adaptation de Tony
Delsham. Mise en scène de José Alpha. Tournées:
Martinique, Guadeloupe, France, Canada.
- Hugo, expérience de co-écriture avec un auteur haïtien (Syto Cavé), un auteur canadien (Dominique Champagne) et un auteur martiniquais (Tony Delsham). Mise en scène de Gérard Bourdon. Producteur: Centre d’Actions Culturelles (Martinique), 1998.
- La route du rêve. Mise en scène de Gérard Bourdon.
-
Papa, est-ce que je peux venir mourir à la
maison ?
- Adaptation de Tony Delsham, mise en scène deJean José Alpha. Tournées 1999 : Martinique, Guadeloupe, France, Canada, Sainte-Lucie.
- Captation vidéocassette : Production de L’Union pour la Promotion de l’Art Antillais et du Conseil Général de la Martinique, 2000.
Cinéma:
- Papa, est-ce que je peux venir mourir à la maison ? Adaptation et réalisation: Christian Lara. Coproduction: RFO et Caraïbe Film Compagnie. Téléfilm présenté à Paris le 25 juin 2001 et diffusé à la Guadeloupe et à la Martinique en octobre 2001.
Bandes dessinées:
- M.G.G, mensuel de bandes dessinées. Tony Delsham, directeur de la publication et rédacteur en chef, 1972-1975.
- Colick Blag Bo kaye, mensuel satirique. Tony Delsham, directeur de la publication, 1972-1975.
- Le retour de Monsieur Coutcha (album), scénario de Tony Delsham; dessins de Abel. Fort-de-France: Éditions M.G.G., 1984.
Sur l’oeuvre de Tony Delsham:
- Brautman, Davida. « Le Siècle: An Tan Robè by Tony Delsham » (compte-rendu). The French Review 69.3 (February 1996): 521.
- Naudillon, Françoise. « Mythographies d’Afrique dans le roman populaire antillais. Filiations de Tony Delsham ». L’Afrique noire dans les imaginaires antillais. Obed Nkunzimana, Marie-Christine Rochmann, Françoise Naudillon, éds. Paris: Karthala, 2012: 173-194.
Liens:
liens d’Île en île:
- Interview avec Tony Delsham, propos recueillis par Henri Pied, pour Antilla (2004).
- M’man Lèlène, extrait du roman lu par l’auteur.
- Tony Delsham, 5 Questions pour Île en île, entretien (vidéo, 31 minutes, 2011).
ailleurs sur le web:
- Martinique Éditions, le journal en ligne de Tony Delsham avec la présentation d’autres auteurs martiniquais, et une biographie de l’auteur (site via archive.org).
- Conversation avec Tony Delsham (2007, vidéo de 8:44 minutes).
- « Exiles on Main Stream: Valuing the Popularity of Postcolonial Literature », article (in English) de Chris Bongie Postmodern Culture 14.1 (2003), où il est question de la place de l’œuvre de Tony Delsham et de la popularité de certains auteurs de littérature postcoloniale.
- « Relire ou découvrir Tony Delsham ». Montray Kréyol (25 août 2017).
- « Sa Zot Ka Fe », émission de Mano sur Radio Caraïbes Martinique avec l’invité Tony Delsham (en créole, 3 juillet 2011, vidéo de 11:56 minutes).