Cayenne vol. 2, nº 1, pages 13-15 |
Deux poèmes de Léon G. Damas
Pour sûr
Pour sûr j’en aurai
marre
sans même attendre qu’elles prennent
les choses l’allure
d’un camembert bien fait
Alors je vous mettrai les pieds dans
Le plat
ou bien tout simplement la main au collet
de tout ce qui m’emmerde
en gros caractères
colonisation
assimilation et la suite
En attendant vous m’entendrez
souvent
claquer la porte
(Pigment)
Hoquet
Et j’ai beau avaler sept gorgées d’eau
trois à quatre fois par vingt-quatre heures
me revient mon enfance dans un hoquet secouant mon
instinct
tel le flic le voyou
Désastre
parlez-moi du désastre
parlez-m’en
Ma mère voulant d’un fils très bonnes manières à table
Les mains sur la table
le pain ne se coupe pas
le pain se rompt
le pain ne se gaspille pas le pain de Dieu
le pain de la sueur du front de votre Père
le pain du pain
Un os se mange avec mesure et discrétion
un estomac doit être sociable
et tout estomac sociable se passe de rots
une fourchette n’est pas un cure-dents
défense de se moucher
au su
au vu de tout le monde
et puis tenez-vous droit
un nez bien élevé ne balaye pas l’assiette
Et puis et puis
et puis au nom du Père
du Fils
du Saint-Esprit
à la fin de chaque repas
et puis et puis
et puis désastre
parlez-moi du désastre
parlez-m’en
Ma mère voulant d’un fils mémorandum
Si votre leçon d’histoire n’est pas sue
vous n’irez pas à la messe dimanche avec vos effets des dimanches
Cet enfant sera la honte de notre nom
cet enfant sera notre nom de Dieu
Taisez-vous
Vous ai-je dit qu’il vous fallait parler français
le français de France
le français du français
le français français
Désastre
parlez-moi du désastre
parlez-m’en
Ma Mère voulant d’un fils fils de sa mère
Vous n’avez pas salué voisine
encore vos chaussures de sales
et que je vous y reprenne dans la rue
sur l’herbe ou la Savane
à l’ombre du Monument aux Morts
à jouer
à vous ébattre avec Untel
avec Untel qui n’a pas reçu le baptême
Désastre
parlez-moi du désastre
parlez-m’en
Ma Mère voulant d’un fils très do
très ré
très mi
très fa
très sol
très la
très si
très do
ré-mi-fa
sol-la-si
do
Il m’est revenu que vous n’étiez encore pas
à votre leçon de vi-o-lon
Un banjo
vous dîtes un banjo
comment dîtes-vous
un banjo vous dîtes bien un banjo
Non monsieur
vous saurez qu’on ne souffre chez nous
ni ban
ni jo
ni gui
ni tare
les mulâtres ne font pas ça
laissez donc ça aux nègres.
(Pigment)
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