(extraits)
Nuit australe native nuit de Kanaky j'écoute le son des canettes tombées sur les niaoulis bière de Noël et les branches trinquent les femmes craignent la dengue les enfants cognent deux jouent aux menottes sur les rondins deux astiquent leurs copains Les autres se taisent. ************************ Je pleure sur les cases qui ne naîtront plus la paille est cendre et le bois rongé la lune couchée n'ose plus sa pâleur la montagne en feu dit adieu au dernier bruissement d'herbe et d'eau. ************************ Gousse longue du flamboyant sexe d'arbre à foison tu brûles tout est cendre ce soir même l'homme dans sa case l'enfant le ciel où la montagne part en poussière, et l'igname pleure l'eau rêvée de l'étrangère. ************************ Le feu s'est tu tout est opaque j'en viens à pleurer sur l'arbre en incendie et l'herbe affolée s'offrant à la marche du vent. Des souffles dans l'ombre déclinent les cendres, s'apaisent. Ils aiment le feu, nous parlons de mort, ils parlent sous la case, nous hors du cercle. L'eau a bu la terre tout est opaque j'entre dans l'ignorance la trouve douce à l'écart du ciel le vide se penche. ************************ Guetter le sens à la racine du geste ************************ Terre de feu sourd et les bruyères. Atteindre l'intensité du vert derrière le toucher sec. Et sous les pépites nickélifères reconnaître la question qui nous habite. ************************ Cette île plus que toute autre et l'étreinte du rêve des manguiers dans les narines. Marcher au risque de se perdre dans l'absence de Soi et quand l'océan se fera visible enfin prendre le parti de la pulpe.
Ces poèmes sont extraits d’un recueil inédit d’Anne Bihan, La nuit, l’incendie, et sont offerts aux lecteurs d’Île en île par l’auteure.
© 2005 Anne Bihan
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